Henri Feyt
Jean Arène, né à Marseille en 1929, est libre comme l’air. Marcheur connu de tout l’arrière-pays de Provence, de ses clairières, surtout lorsqu’elles confinent l’aridité. Sa pâture ordinaire est la campagne et ce qui s’y rapporte dans le triangle d’or- son atelier naturel- qui va de Marseille au Rhône et du Rhône à Moustier Sainte Marie. C’est là, le plus souvent, qu’il officie face à la solitude. Il y compte nuages, huiles et brebis.
« Je suis un primaire », dit-il. Voire ! Primaire comme l’ère du même nom. Amis d’Henri Bosco, de Marie Mauron, de Toursky, Arène est moins original qu’originel, immuable dans son granit humain. Paysan de désir, pâtre de cœur, noueux et dur autant qu’un olivier de taille moyenne et de son âge ou qu’un petit taureau trapu lâché dans l’arène – tiens ! Son patronyme- sous l’acclamation du silence.
Avec un charme d’étable, un étonnement aux yeux bleus, un sourire affûté de crayon aux aguets, une modestie de berger, des bouclettes d’empereur romain, il porte sur lui un dépouillement digne de Sparte. Pas plus que les corbeaux il ne supporte ce qui brille. Jamais de vernis sur les toiles.
Dire le tout avec le rien ou le presque rien est son plaisir : les bourgeons de l’amandier, un bout de jardin de la femme hydropique, le hangar et la charrette bleue, le parfum de lait caillé au bord d’une table de ferme, le bêlement frisé de l’herbe et tout ce bonheur à quatre pattes qui vaut largement le nôtre…
Arène est capable de tirer du lait à une pierre et du luxe à la pauvreté rien qu’en le fixant de son regard.