Regard sur Jean Arène – 1961

Jean Giono

Regard sur Jean Arène – 1961

Jean Giono

Dans le premier livre du Roman de Gengi que Madame Murasaki écrivit au Japon aux environs de l’an 1000, il y a un extraordinaire passage sur la peinture.

Il dit « les peintres (il parle des peintres de l’an 1000 au Japon, mais il semble parler des peintres de tous les pays et de tous les temps) les peintres peignent volontiers les volcans pétants des flammes ou des combats d’empereurs ; il y a plus de peinture dans une pomme sur une nappe ».

Il faudra, à nous Occidentaux, encore neuf cents ans pour en arriver à la même constatation.

Jean Arène se sert, et se sert exclusivement des objets familiers. Les volcans jetant des flammes et les combats d’empereurs de la figuration et de la non-figuration ne sont pas fait. L’humble moulin à café, le tuyau de poêle, l’enjolivement ménager du manteau de la cheminée, portent leurs harmonies. Il lui suffit d’un égouttoir à passoires pour faire entrer dans ses toiles la joie du bleu, d’un crépi pour faire éclater ses ocres et ses bruns, d’un départ d’escalier pour accumuler dans un coin de tableau des velours exquis. La vie familière est ici exaltée avec la modestie et l’aristocratie qui lui conviennent.